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Hollande, le social-réaliste
18 mai 2016

Exclusif : interview imaginaire de François Hollande

hollandeserieux

 

Q : Une question un peu personnelle, pour commencer, si vous le permettez. Les sondages défavorables, les critiques, parfois violentes, les défections, tout cela ne vous affaiblit-il pas personnellement ? On dit parfois de vous que les choses glissent sur vous, comme la pluie, et que vous êtes, au fond, assez insensible, voire enfermé dans votre tour d'ivoire ? Vous n'êtes pas affecté par tout cela, et cela n'attaque-t-il pas votre capacité même à conduire une éventuelle nouvelle candidature à son terme ?

Fh : J'ai été, je suis très affecté par toutes les attaques, souvent injustes, parfois contenant une part de vérité, dont je fais l'objet. J'ai souffert de celles, surtout, qui venaient de personnes proches. J'ai aussi beaucoup souffert des épreuves qu'ont endurées les Français. Épreuve du mal logement, épreuve du chômage, épreuve de l'exclusion, épreuve du racisme et des humiliations, épreuve des familles qui perdent un des leurs ou le retrouvent blessé par suite de la guerre et du terrorisme. Toutes ces épreuves sont les miennes, en tant que Président de la République, de la France et des Français et en tant qu'homme je les éprouve dans ma chair comme autant d'échecs et de blessures. Mais, en même temps, elles sont un aiguillon pour que je relève, avec tous les Français, ces défis. Croyez-vous que j'aurais été candidat en 2012 si je ne me sentais pas capable d'affronter de telles choses ? Non, vous savez, un président "normal", ce n'est pas un homme qui lâche prise dans l'adversité.

Q : M le Président, à presque un an de la prochaine élection présidentielle, chacune de vos apparitions publiques est, de plus en lus, interprétée comme un début de campagne. N'est-ce pas prématuré, et dangereux, au vu de votre cote de popularité au plus bas, et des divisions de votre propre camp quant à la politique que vous menez ?

FH : J'ai dit à vos confrères de France 2 que j'annoncerai ma décision d'être candidat ou non en décembre. Ce qui est prématuré, ce ne sont donc pas mes interventions, mais, comme vous l'avez dit, leur interprétation, par les journalistes et certains hommes et femmes politiques, peut-être pressés de me voir réélu ! Non, je ne suis pas en campagne, mais, vous l'avez dit également, l'opinion est insatisfaite de mon action et de celle de mon gouvernement. Il est donc normal que je tente de l'expliquer et d'en montrer les aspects positifs.

Q : Justement, on vous taxe d'optimisme exagéré, voire de déni de réalité. Vous dites que la France va mieux, mais il semble que les Français, eux, n'aillent vraiment pas bien du tout !

FH : Vous distinguez la France et les Français. Depuis le début de mon mandat, je me suis trouvé, comme l'avait avoué M. François Fillon, alors Premier ministre de mon prédécesseur, "à la tête d'un État en faillite". Et la situation réelle du pays était encore pire que ce que nous avait décrit le gouvernement d'alors et que ce que nous avions prévu. Or, vous le savez, la situation de la France ne se conçoit pas isolément. J'avais fait de ma campagne de 2012 un des traits les plus importants la nécessité d'infléchir la politique de l'Europe vers une harmonisation des règles fiscales et sociales et vers plus d'investissements publics. Cet infléchissement de l'Europe était et est encore un préalable à un vrai redressement en France. Mais croyez-vous que nos partenaires européens, pas seulement les Allemands, tous, croyez-vous qu'ils auraient écouté attentivement un Président du Conseil général de Corrèze à la tête d'un État faillite ? Évidemment non ! C'est pourquoi j'ai fait de la politique de sérieux budgétaire et financier la priorité absolue de notre politique économique, pour redresser d'abord le crédit international de la France. Et j'y suis parvenu. La France peut maintenant emprunter à des taux extrêmement bas, voire négatifs. La France est écoutée. Lorsque j'ai plaidé la cause de la Grèce en Europe, contre tous les gouvernements libéraux et conservateurs, on m'a écouté, parce qu'on savait que, parti d'une situation de faillite, je réussissais à redresser l'économie et les finances de mon pays. Alors, c'est vrai, les Français n'ont pas assez profité de ce redressement. Je l'avais annoncé. Il ne pouvait y avoir de redistribution tant qu'il n'y aurait rien à redistribuer. Tout le monde peut le comprendre, même si c'est une réalité difficile à accepter.

Q : Mais maintenant, alors que l'échéance électorale approche, vous vous lancez dans la redistribution, justement, en accordant des augmentations aux fonctionnaires et aux enseignants du primaire, des crédits aux armées et aux forces de l'ordre, des chèques énergie aux plus défavorisés, de réductions d'impôts aux ménages, etc. N'est-ce pas de la démagogie électorale ?

FH : Je l'ai dit, la France va mieux. Il est donc naturel que j'en fasse profiter le plus vite possible les Français qui ont été les plus éprouvés. Qu'aurait-on dit si j'avais attendu d'être en campagne électorale pour prendre ces mesures ?

Q : Les agriculteurs ont beaucoup souffert et souffrent encore, mais ils ne voient rien venir...

FH : Le cas de l'agriculture est plus complexe. Les exploitants eux-mêmes le disent : ce n'est pas un "cadeau" du gouvernement, une subvention de plus, qu'ils attendent, dont ils on besoin, mais d'un rééquilibrage des marchés agricole et alimentaire qui leur permette de vivre avec le juste prix de leur production. C'est une réforme de longue haleine, aussi bien de l'agriculture elle-même, ses méthodes, qui doivent être à la fois productives et respectueuses de l'environnement et de la qualité de l'alimentation, que de la distribution, qui doit assurer le meilleur service au consommateur au meilleur prix. Cette réforme profonde ne peut se faire qu'au niveau mondial avec l'appui de l'Europe unie menant une bataille commune. Vous savez comme moi qu'on en est loin. Le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, le Secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, Harlem Désir, et moi-même nous y employons avec obstination, mais les résultats ne peuvent être rapides. En attendant, c'est aux organisations des producteurs et aux acteurs de la distribution et de l'industrie alimentaire d'avoir la sagesse de négocier un modus vivendi qui permette à chacun de faire son travail et d'en vivre dignement.

Q : Comment, si vous êtes candidat en décembre, envisagez-vous de vous faire élire alors que vous êtes contesté à gauche, dans votre propre camp ?

FH : Je n'aime pas ce terme de "camp". Le rôle du président de la République n'est pas de dresser un camp de Français contre un autre. J'appartiens à une famille d'idées, la gauche, qui veut changer la société pour plus de libertés et plus de justice sociale. C'est le fond même de la devise de la République, et je ne dénie pas à certains hommes de droite de vouloir tendre aux mêmes buts, quoique par des voies différentes. Mais lorsque je vois les programmes économiques des différents candidats à la primaire de la droite, je suis effaré, car il est évident que ces programmes ne peuvent que renforcer les injustices dont souffre notre pays et dresser encore plus les Français les uns contre les autres, riches contre pauvres, citadins contre ruraux, jeunes contre les plus âgés.

Q : Mais vos adversaires à gauche, car vous en avez ...

FH : J'y viens. Vous savez, le socialisme a depuis ses origines deux composantes, l'une révolutionnaire, et l'autre réformiste. J'appartiens à la seconde, mais je reconnais aux premiers le droit de défendre leur point de vue. Il est bon que dans la société il y ait des gens qui réfléchissent et agissent pour une autre société, différente et plus juste. Certains se disent anticapitalistes. rès bien. Mais qu'ils ne me reprochent pas de ne pas abolir le capitalisme ! Si le capitalisme doit disparaître un jour, ce n'est pas au Président de la République française de le décider ! J'entends parfois certains dire, devant la politique que je mène, "on ne l'a pas élu pour ça !" Mais je n'ai pas été élu pour faire la révolution à leur place ! Je n'accepte pas ce reproche.

Q : En 2012, on vous a entendu dire que votre ennemi, c'était la finance. Or depuis, on vous reproche d'avoir oublié ces déclaration et de faire des cadeaux au patronat.

FH : La finance n'est pas et n'a jamais été mon ennemie, elle est mon adversaire, ce n'est pas pareil. Elle n'est pas élue, avais-je dit alors, et pourtant elle a le pouvoir, du pouvoir. La finance est toujours mon adversaire, parce que c'est elle qui privilégie la spéculation contre l'investissement, le rendement financier contre l'efficacité de l'entreprise, le court terme contre le long terme. La finance est souvent l'adversaire de l'entreprise, au lieu d'en être l'alliée. Je vous l'ai dit, je suis réformiste. Je ne suis pas mandaté pour détruire le capitalisme. Je suis mandaté pour faire en sorte que le capitalisme serve l'entreprise et non qu'il s'en serve pour des profits rapides et exagérés.

Q : Mais parmi les députés frondeurs, par exemple, il n'y a pas que des révolutionnaires anticapitalistes ...

FH : Ce qui s'est passé au Parlement à propos de la loi sur le code du travail est extrêmement regrettable pour notre démocratie. Déposer 5 000 amendements n'était ni raisonnable ni responsable et les députés qui se sont livré à ces manœuvres se sont privés eux-mêmes - et, plus grave, ont privé le pays - de leur pouvoir d'amender le projet gouvernemental. Ils se sont enfermés dans une posture du "tout ou rien" qui ne fait jamais progresser les choses. Je ne suis pas opposé au dialogue avec la gauche de la majorité, mais cela doit se faire dans un esprit constructif et de respect mutuel. Ce n'est pas toujours le cas.

Permettez-moi de revenir sur le projet de loi travail. C'est un bon texte, équilibré. Il élargit et renforce les droits des salariés en matière de formation, il prend en compte les nouvelles formes d'entreprise, liées à l'économie numérique, et il autorise les entreprises, chefs d'entreprise et salariés, à prendre ensemble les bonnes décisions pour s'adapter aux évolutions. Au total, il doit permettre à notre économie de redevenir forte dans les nouvelles conditions de la compétitions mondiale.

Q : Que regretterez-vous dans votre quinquennat, ou qu'auriez-vous voulu faire de plus ou différemment ?

FH : Je ne suis pas un homme de regrets. J'ai toujours agi selon ma conscience et ce que je croyais être l'intérêt de la France. Mes initiatives n'ont pas toujours été couronnées de succès. Je pense par exemple au drame syrien. J'ai échoué à convaincre les partenaires de la France à combattre Bachar el Assad dès que ce régime a commencé à massacrer son peuple et a utilisé des armes chimiques et massives dans sa répression féroce.

Q : Les Etats-Unis, en particulier, ne vous ont pas suivi...

FH : Oui, entre autres .. Je ne veux jeter la pierre à personne.

Q : On vous a reproché une certaine instabilité sentimentale ...

FH : Ma vie privée ne regarde que moi et mes proches. Vous remarquerez que, lorsque il en a été fait une certaine publicité, ce n'est pas moi qui en ai été à l'origine.

Q : ... et un certain manque d'autorité, aussi.

FH : De quoi parlez-vous ? S'il s'agit de prises de position de Mme Trierweiler ou de Ségolène Royal, je n'avais pas le droit de dire ce qu'elles pouvaient ou devaient faire. Chacune s'est exprimé à sa manière, parfois en désaccord avec moi, mais il ne m'appartenait pas de leur imposer ou le silence ou je ne sais quelle ligne. Ce n'est pas ma conception des rapports humains.

Si vous parlez des ministres dont certains ont aussi, à diverses reprises, exprimé un désaccord avec la politique que j'ai inspirée, ils ont chaque fois été invités par le premier ministre, Jean-Marc Ayrault puis Manuel Valls, à prendre leurs responsabilités et ils l'ont fait.

Vous savez, il existe en France un goût pour la polémique permanente. L'avez-vous remarqué ? Beaucoup de journaux de la radio ou de la télévision commencent par la phrase "la polémique du jour, c'est ...". Je ne sais si c'est ce que les Français attendent, mais c'est ce que les médias leurs servent quotidiennement.

Q : M. le Président vous n'êtes pas, ou pas encore, candidat, et vous n'avez donc pas de programme. Néanmoins, pouvez-vous nous dire quelles sont, selon vous, les priorités qui s'imposeront à la France en 2017 ?

FH : La question est habilement posée... Il y a d'abord le défi du redressement économique, qui devra être consolidé. La balance du commerce extérieure, notamment, devra être améliorée. Je dirais que cela dépend encore plus des entreprises que de l’État. L’État a déjà beaucoup fait ; aux entreprises de saisir les opportunités et d'aller de l'avant !

Il y a surtout trois autres défis majeurs : les inégalités, trop grandes, entre hommes et femmes, entre territoires, pour l'accès au logement, à l'emploi, à la culture, à la santé. Le terrorisme, qui n'est pas éradiqué et ne le sera qu'après un long et difficile combat à l'échelle internationale. Et enfin, le réchauffement climatique et l'appauvrissement des ressources naturelles, de la biodiversité, notamment. Cela passe par des politiques plus audacieuses dans les domaines aussi bien du logement, que des transports ou encore de l'agriculture.

Qui que ce soit qui sera élu en 2017, il ou elle devra faire face à ces trois défis.

Mai 2016

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